Les Amis de Saint Colomban

Lettres de saint Colomban (extraits)

10. Lettre au Pape Saint Grégoire le Grand : vers + 590. Polémique relative à la date de Pâques

Au Seigneur saint, au Père qui est à Rome le plus bel ornement de l’Eglise du Christ et comme la fleur auguste de l’Europe languissante, à l’éminent gardien, au maître dans la comtemplaton de Dieu et de ses anges, moi, vil Colomban, j’adresse mon salut. (…)

(…) Pourquoi donc, toi qui es si sage, toi dont les lumières éclairent le monde comme autrefois celles de la sainte intelligence, pourquoi célèbres-tu Pâques dans les ténèbres ? Je m’étonne, je l’avoue, que tu n’aies pas extirpé depuis longtemps cette erreur de la Gaule. Ou dois-je penser, mais j’ose à peine y croire, que si tu ne l’as pas fait, c’est que tu l’as approuvée ? (…) Sache bien que nos vieux maîtres irlandais, philosophes et éminents calculateurs, ont rejeté l’erreur de Victorius, estimant celui-ci plus digne de risée et de pitié que de créance. Donne-moi donc l’appui de ta sentence, à moi qui suis timide, pèlerin plutôt que savant, et sans retard daigne oublier ta clémence pour mettre fin à cette tempête qui souffle autour de nous. (…). Que penses-tu maintenant des évêques ordonnés contre le droit canonique, c’est à dire pour le bénéfice ? Car, et ceci est assez grave, beaucoup dans notre région sont connus comme tels, Que penser encore d’autres, qui s’étant mal conduits lorsqu’ils étaient diacres, sont ensuite élevés à l’épiscopat ? (certains) peuvent-ils exercer leur ministère après avoir acheté leur charge, ou après avoir commis l’adultère quand ils étaient diacres (…) fautes regardées comme graves par nos maîtres. (Enfin), quelle conduite tenir à l’égard des moines qui d’abord enflammés pour Dieu du désir de la vie parfaite, renient leurs vœux en quittant les lieux de leur première conversion, et qui, malgré leurs abbés et la ferveur des frères qui les entourent, se relâchent ou bien fuient vers les déserts ?

11. Lettre au Pape Boniface IV, 608 ou 609. Toujours au sujet de la date de Pâques.

(…) Il s’agit des rites observés dans noire pays : les livres de notre province ne concordent pas avec ceux des Gaulois (…) Nous te demandons de donner aux pauvres pèlerins que nous sommes, la consolation d’une juste sentence, afin que si cela n’est pas contraire à la foi, tu confirmes la tradition de nos anciens, et nous autorise à garder au long de notre pèlerinage, le rite de Pâques tel que nous l’avons reçu de nos ancêtres. Il est certain en effet que nous sommes dans notre patrie du moment que nous n’acceptons aucune des règles des Gaulois, mais comme nous habitions des régions désertiques et que nous ne faisons de mal à personne, nous restons seulement fidèles aux règles de nos anciens. (…) Puisque le tumulte a dominé la raison et que nos droits n’ont pas été reconnus, nous sollicitons la décision de votre autorité, afin que par votre jugement nous puissions vivre parmi les justes dans la paix et l’unité de l’Eglise. (…) sans donner le scandale de la foi, et mieux encore dans une parfaite charité, en dépit de ce qui (sépare) chacun gardant ce qu’il a reçu, chacun restant dans la voie où il avait été appelé.(…).

12. Lettre à ses disciples et moines. En 610, de Nantes, en route vers l’exil.

(…) N’espérez pas que les hommes vous persécutent d’eux-mêmes, ce sont les démons qui mettent dans leur cœur l’envie de vos biens, et c’est contre eux qu’il vous faut revêtir l’armure dont parle l’apôtre (Paul, Eph, 6, 13-1 ?).(…) Je crains en effet que la discorde ne se manifeste au sujet de Pâques (…) Maintenant que je ne suis plus là, votre séjour semble y être moins assuré. Attale, en somme, en faisant confiance à tous je n’ai été qu’un sot. Sois donc plus prudent que moi ! Je ne veux pas que tu te charges d’un si grand fardeau qui m’a valu tant de sueurs. (…) Mais pour persévérer, il faut que chacun demande inlassablement l’aide de Dieu : « II ne s’agit donc ni de vouloir ni de courir, mais de Dieu qui fait miséricorde » (Rom 9, 16) parce que « l’amour de Dieu est plus grand et plus précieux que la vie » (Ps 62, 4), si bonne soit-elle pour l’homme.(…) Personne ne se sauvera par ses seuls moyens (…) sauf celui qui humblement dans la crainte de la volonté divine, mettra en œuvre la force qui lui a été donnée en répétant cette prière : ne me rejette pas loin de ta face (Ps 50, 13).(…) Au moment où j’écris, un messager arrive pour m’annoncer que le bateau est prêt, qui doit me ramener malgré moi dans ma patrie. (…) Priez pour moi, vous que je porte dans mes entrailles, afin que je vive pour Dieu. !

13. Lettre au Pape Boniface IV, an 614, lors d’un séjour chez le roi des Lombards.

Colomban interroge le Pape sur ses relations et celles de son prédécesseur, le Pape Vigilius (537-555), avec des hérétiques issus du Nestorianisme.

Au chef très beau des Eglises de l’Europe tout entière, au Pape très doux, au maître très haut, au pasteur des pasteurs, au révérendissime Veilleur, le plus bas (Colomban se désigne ici) au plus élevé, au plus grand ; le rustique au citadin ; le balbutieur à l’éloquent orateur ; le dernier au premier ; l’étranger à l’indigène ; le petit pauvre au tout-puissant, chose merveilleuse à dire, chose inouïe, un oiseau rare, Colombe, à l’audace d’écrire au Père Boniface ! (…) Veillez donc à la paix de l’Eglise, défendez vos brebis terrorisées par les loups. (…) Veille donc, je t’en prie, ô Pape, veille ! (…) Ta vigilance en sauvera beaucoup, par contre ton indifférence causera la perte d’un grand nombre. (…) Il faut que les pasteurs soient très vigilants, eux qui sont les gardiens et les maîtres de l’Eglise. Qu’ils prêchent sans cesse la parole de Dieu, afin que personne ne périsse par ignorance. Si quelqu’un périt à cause de leur insouciance, son sang retombera sur leur tête. (…) Tu vois quelle crainte le Seigneur fait peser sur notre indolence et notre tiédeur, pour éviter d’être surpris et non préparés à sa rencontre. Voilà pourquoi j’ai dit : ô Pape, veille ! L’heure est venue de sortir de notre sommeil (Rom 13, 1 ). (…) Si, comme je l’ai appris, quelques-uns ne croient pas qu’il y a deux natures dans le Christ, il faut croire qu’ils sont hérétiques plutôt que chrétiens. Si en effet le Christ notre Sauveur et vrai Dieu, est éternel, et hors du temps, il est aussi un homme véritable de notre temps et sans péché. Par sa divinité il est coéternel au Père, et par son humanité il est plus jeune que sa Mère. Né de la chair, il n’était pas absent du Ciel ; habitant la Trinité, il a vécu dans le monde. (…) Nous sommes, nous, pour l’unité de la personne en qui habite corporellement toute la plénitude de la divinité (Col 2, 9). (…) Donc, et parce que beaucoup ont des doutes sur la pureté de votre foi, je vous demande de faire disparaître cette tache qui ternit la limpidité du Saint Siège.

14. Lettre à un disciple, (où est la vraie voie et la vraie vie).

Le monde passe et chaque jour décroît. Personne ne restera en vie, aucun vivant n’y est resté. Tous les hommes naissent et meurent également. Aux vivants la mort enlève la vie à une date qu’ils ne connaissent pas. (…). Le soleil se lève avec son ardeur et il sèche la plante : sa fleur tombe et sa beauté disparaît. Ainsi en est-il de la jeunesse lorsque la vigueur vient à lui manquer. La beauté des hommes se fane en vieillissant. Le visage radieux du Christ, plus que tout autre aimable, doit être plus aimé que la fleur fragile d’un visage d’homme. (…) Ne sois pas prompt à suivre les voies des mortels, dont tu peux voir qu’elle ont été pour tant d’entr’eux celle du naufrage. (…) Heureuse la famille qui habite dans les hauteurs du ciel, où le vieillard n’a plus à gémir, ni le petit enfant à vagir, où aucune voix ne passe sous silence les louanges de Dieu, où l’on n’a jamais faim ni soif, où le peuple du ciel se nourrit du pain des anges, où personne ne meurt, parce qu’il n’y a plus de naissance, où la cour du Roi du ciel peut paître, et où la voix du mal ne s’est jamais fait entendre. Telle est la vie future, verdoyante et vraie, où la crainte de mort et la tristesse seront abolies. Franchie la mort, les élus verront dans la félicité le joyeux Roi. Ils régneront avec lui et se réjouiront avec lui. Alors la souffrance, l’ennui et la fatigue ne seront plus. Alors, purifiés, les élus verront le Roi immaculé, le Roi des rois !

Extraits de lettres de Saint Colomban par le père Axel Isabey / Traduction du Père Sangiani (ancien professeur au Séminaire de Luxeuil)à partir de Jacques-Paul Migne.

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